KANBrief 2/14

Les consultants attendent un nouveau signal de départ

Depuis le début de cette année, le système des consultants CEN/CENELEC est suspendu. Les organisations européennes de normalisation et la Commission européenne ne sont pas encore parvenues à s’entendre sur la poursuite de l’accord-cadre qui guide leur coopération et qui réglemente notamment les contrats des consultants. Il manque de ce fait un élément important de l’assurance qualité pour les normes harmonisées européennes.

Élaborées en vertu d’un mandat de la Commission européenne, les normes harmonisées européennes ont pour objet de concrétiser les exigences essentielles de sécurité des directives Marché intérieur de l’UE. Pour que les normes soient à la hauteur de cette fonction, des conseillers indépendants – les consultants CEN/ CENELEC1 – apportent leur soutien aux Comités techniques (TC) lors de leur élaboration2. Ces consultants interviennent par exemple pour fournir des précisions sur la directive, ou encore pour relever des défauts dans les exigences proposées pour la norme. Les consultants examinent, commentent et évaluent chaque projet de norme résultant d’un mandat. Ils vérifient en particulier que l’Annexe Z précise bien, comme c’est exigé, quels passages de la norme traitent de quelles exigences essentielles de la directive concernée. Ils sont censés être des interlocuteurs à la disposition à la fois des TC et de la Commission pour toute question concernant la rédaction de la norme.

Dans le Journal Officiel de l’UE, la Commission publie uniquement le titre et les références des normes harmonisées qui ont reçu un avis positif de la part des consultants. Pour pouvoir déclencher la présomption de conformité, les normes harmonisées doivent figurer sur cette liste : si une norme harmonisée est respectée, on peut partir du principe qu’il y a également conformité avec les exigences de la directive couvertes par cette norme.

L’expérience montre que le travail des consultants constitue un élément important de l’assurance qualité des normes, et qu’ils fournissent ainsi une contribution essentielle au bon fonctionnement de la Nouvelle Approche.

Des normes en suspens – et maintenant ?

Les consultants passent un contrat avec CEN/CENELEC, mais sont financés par une subvention de la Commission européenne. Les modalités de leur activité font partie d’un accord-cadre bilatéral qui régit la coopération entre les organisations de normalisation et la Commission. Cet accord doit être renouvelé chaque année. Pour la mise en oeuvre du Règlement UE 1025/2012 sur la normalisation, applicable depuis 2013, aux termes duquel le financement doit être davantage soumis au respect de délais imposés pour l’élaboration des normes, il a fallu également modifier cet accord. À ce jour, les deux parties n’ont toutefois pas réussi à s’entendre sur une nouvelle réglementation. D’après le CEN, un accord concernant les contrats des consultants ne devrait pas être conclu avant septembre.

Dès la fin janvier, le CEN/CENELEC a demandé aux Comités techniques de ne plus faire intervenir les consultants pour l’élaboration des normes, leur financement n’étant plus assuré, faute d’accord-cadre. De facto, cela signifie que le travail des consultants est suspendu ! Or, l’élaboration des normes étant néanmoins poursuivie, le CEN/CENELEC va soumettre à la Commission européenne des normes qui n’ont pas fait l’objet du contrôle habituel par les consultants.

Reste à savoir comment la Commission compte désormais procéder. À long terme, elle envisage de remettre à plat le système des consultants. L’une des idées à ce propos serait de les lier contractuellement à la Commission, au lieu d’assurer uniquement leur financement auprès du CEN/CENELEC, comme c’était le cas jusqu’ici.

Une solution rapide est nécessaire

Ce dont on a besoin, c’est d’une solution dans l’immédiat. Soit aucune nouvelle liste de normes harmonisées ne sera publiée durant ces prochains mois, soit le contrôle sera effectué d’une autre manière, soit les références des normes seront publiées sans autre contrôle, telles qu’elles sont fournies par le CEN/CENELEC.

Toutes ces solutions à court terme constitueraient un changement notable par rapport au système pratiqué jusqu’à maintenant – probablement aux dépens de la qualité, et donc de la sécurité. Dans leur déclaration commune sur la politique de normalisation3, la KAN et les organisations françaises de prévention des risques professionnels EUROGIP et INRS ont souligné que l’évaluation indépendante par des consultants – un système qui a largement fait ses preuves – était indispensable pour que, à l’avenir aussi, des normes de qualité soient publiées et listées. Pour que le système ne reste pas immobilisé, il serait bon que les parties se mettent d’accord le plus vite possible.

Dr Michael Thierbach
thierbach@kan.de 

1 CEN/CENELEC Guide 15: Tasks and responsibilities of the New Approach consultants,
ftp://ftp.cen.eu/BOSS/Reference_documents/Guides/CEN_CLC/CEN_CLC_15.pdf  KANBrief 3/10 
 
2 En application de l’article 10 (5) du Règlement UE 1025/2012 relatif à la normalisation européenne.
3 www.kan.de/fileadmin/Redaktion/Dokumente/Basisdokumente/fr/EU/2014-03-25_declaration_fr_final.pdf