KANBrief 2/14

« Nous avons besoin d’une Europe sociale forte, avec des standards minimum forts »

La politique sociale en Europe – Un caprice qui coûte cher et dont la compétitivité fait les frais ? Ou bien un contrepoids social est-il indispensable pour promouvoir la croissance dans l’intérêt de chacun ? Quel est le rôle de la normalisation dans une Europe sociale ? Des spécialistes de politique sociale du Parlement de l’UE, d’organisations patronales et syndicales, et de l’État en ont débattu le 26 mars 2014, lors de la conférence de la KAN « De quelle dose de politique la normalisation a-t-elle besoin ? »

Comme l’a souligné le député européen Thomas Mann1 dans son discours introductif, le paysage européen des systèmes sociaux est très diversifié. L’essentiel est que les citoyens sentent qu’une sécurité sociale existe : « L’Europe sociale doit être tellement palpable que nous avons le sentiment d’en faire partie. »

Qu’est-ce qui renforce le social dans l’économie de marché ? Le Traité de Lisbonne oblige l’Europe à pratiquer une économie de marché sociale. Même en aspirant à « davantage d’Europe », les participants à la table ronde ne veulent néanmoins pas de réglementations plus strictes de la part de Bruxelles ni d’uniformisation du système social. Tant pour Renate Hornung-Draus, de la confédération des associations patronales allemandes (BDA)2, que pour Stefan Gran, qui représente à Bruxelles la Confédération des syndicats allemands (DGB), il semble plus prometteur, pour atteindre les objectifs communs, de créer un cadre européen qui laisse une marge d’action.

Pour Michael Koll, du Ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales (BMAS), il faut également conserver des marges d’action nationales pour la SST, tout en s’appuyant sur une base européenne commune. Il ne faut pas vouloir à tout prix harmoniser totalement les systèmes sociaux différents des États membres. Pourquoi les Scandinaves ne pourraient-ils pas conserver leur système traditionnel, selon lequel les règles en matière de SST sont négociées par les partenaires sociaux et non pas régies par des lois ? Le concert en Europe doit rester diversifié.

Affiner le concept des exigences minimum

Mais alors, comment réussir le grand écart entre le souhait d’un cadre européen et le respect de traditions nationales ? Déjà solidement ancré dans la SST, le modèle des exigences minimum se prête peut-être à un rapprochement progressif des systèmes sociaux, également dans d’autres domaines. Bien que considérant comme positif le système des exigences minimum, Stefan Gran rappelle néanmoins que les standards doivent être revus à la hausse à intervalles réguliers pour être adaptés à l’évolution de la technique et de la société.

La Commission européenne s’efforce actuellement d’alléger la législation au niveau de l’UE. Par le programme REFIT (« Regulatory Fitness and Performance »)3, elle envisage, pour certains domaines, et notamment celui de la SST, d’abroger des actes législatifs de l’UE existants et de retirer des projets en cours. L’avenir d’une « réglementation intelligente » dans une Europe sociale est ouvert. C’est à la nouvelle Commission qu’il reviendra de prendre une décision définitive à ce sujet.

Une boîte à outils pour une Europe sociale

Outre les actes législatifs européens, il existe d’autres instruments, comme le dialogue social4 ou la normalisation. Dans le cadre du dialogue social, les partenaires sociaux peuvent, soit à un niveau transsectoriel, soit pour certaines branches, conclure ensemble des accords concernant la SST. Les représentants des partenaires sociaux ont souligné qu’il s’agissait là d’un instrument qu’ils appréciaient beaucoup, certes, car pouvant déboucher sur des règles équilibrées et se prêtant à la pratique, mais qui avait aussi ses limites.

On observe actuellement dans la normalisation qu’elle investit de plus en plus des domaines non techniques, relevant de la politique sociale. Cette tendance est favorisée par des entreprises qui souhaitent des standards harmonisés au niveau mondial, et par l’absence de réglementations dans certains pays. Or, en vertu du Traité sur l’UE, la sécurité et la santé au travail est un sujet qui relève de la politique. C’est pourquoi Renate Hornung-Draus trouve très discutable le fait que des normes techniques soient élaborées par des organisations privées, dans des domaines qui devraient en principe être réglementés par des institutions légitimées démocratiquement – au niveau communautaire par le Parlement européen et le Conseil des Ministres. Dans le public, des voix se sont fait entendre pour réclamer que la Commission européenne élabore une stratégie définissant sans ambiguïté dans quels domaines la normalisation est possible et indiquée.

Créer un toit commun pour une Europe sociale, mais autoriser les couleurs individuelles des États membres : telle a été l’une des principales conclusions de la discussion. Et la normalisation est un instrument qui ne devrait être utilisé que de manière très ciblée.

Angela Janowitz
janowitz@kan.de 

1 Groupe PPE, membre de la commission de l’emploi et des affaires sociales
2 Directrice de la section Union européenne et politique sociale internationale
3 http://ec.europa.eu/smart-regulation/refit/index_en.htm 
4 http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=329&langId=fr