KANBrief 2/16

Normaliser l’inclusion – Est-ce possible ?

En matière d’inclusion, il existe en pratique deux positions diamétralement opposées : selon l’une, un produit doit être utilisable par chacun, qu’il soit handicapé ou non. Selon l’autre, le mode d’emploi de certains produits de consommation exclut l’usage pour les personnes aux capacités sensorielles, physiques ou cognitives restreintes, ou précise qu’elles ne peuvent les utiliser que sous surveillance. Un compromis est-il possible ?

En 2011, l’Assurance sociale allemande des accidents du travail et maladies professionnelles (DGUV) a adopté un plan d’action portant sur la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) (cf. p. 5). Pour le domaine du travail, l’objectif en est : promouvoir un monde du travail et de l’éducation pratiquant la diversité et l’inclusion. À cet effet, la DGUV s’investit en faveur de « conditions de travail sûres et saines, également pour les personnes handicapées. […] Afin d’atteindre ses objectifs, elle examinera, en particulier dans son propre domaine, si les normes, règles et réglementations prennent en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées, et elle révisera ces textes si nécessaire. De plus, elle proposera une révision de lois, d’ordonnances et de normes, elle œuvrera, par sa participation au sein d’organismes publics, pour que soient pris en compte les besoins particuliers des personnes handicapées, et elle intégrera plus intensément le point de vue de ces dernières dans des activités en cours ou à venir, également dans la prévention et les nouveaux projets de recherche. »1

Étude KAN
L’une des propositions découlant de cet objectif s’adressait à la KAN : il s’agissait, dans le cadre d’une étude de faisabilité2, de déterminer comment la normalisation relative à la SST peut contribuer à la mise en œuvre de la CDPH.

Au niveau de la méthode, l’étude repose sur la question de savoir de quelles capacités un utilisateur doit être doté pour pouvoir se servir d’un produit, sûrement et de manière ergonomique. Il faut toutefois rappeler que les normes (et les produits) ne peuvent pas tenir compte de toutes les formes de handicap, mais que, concernant les personnes handicapées, les conditions rencontrées sur le lieu de travail et les mesures possibles doivent être examinées au cas par cas. Et surtout qu’il doit être possible et autorisé de recourir à des dispositifs et appareils d’assistance.

Dans le cadre de l’étude, on a, à titre d’exemple, analysé des normes relatives à des presses, chariots de manutention et fours combinés vapeur-convection. Il en est ressorti que, dans presque aucun des documents étudiés, il est fait référence à des normes, guides, rapports techniques du DIN ou livres de poche du DIN où il est question d’accessibilité ou de groupes de personnes particuliers.

Pour pouvoir répondre à la question de savoir quelles capacités – et à quel degré – sont nécessaires pour utiliser tel ou tel produit ou équipement de travail, on a élaboré un schéma à l’aide duquel des produits peuvent être évalués pour différentes capacités et caractéristiques humaines :
sensorielles, physiques, cognitives, allergiques et diverses. Chacun de ces critères peut être classé sur une échelle à six niveaux (0 = aucune exigence particulière, 5 = exigences très élevées, ou capacités élevées nécessaires).

Il s’est avéré que, pour les normes relatives à des dispositifs de protection ou à des aspects concernant la sécurité (normes de type B), l’utilisation de ce schéma est possible même pour des professionnels qui n’ont pas directement affaire au processus de normalisation. La démarche devient nettement plus difficile pour les normes de sécurité des produits (normes de type C), qui traitent de manière exhaustive de produits techniques plus complexes. Il faut pour cela des connaissances détaillées, que doivent posséder notamment les comités de normalisation intéressés, et, évidemment, les experts des cercles de fabricants concernés.

Une notice de recommandation pour les comités de normalisation et les fabricants
Le schéma d’évaluation a été repris dans une notice de recommandation de la KAN 3, dont le but est de sensibiliser les comités de normalisation et les fabricants aux aspects relatifs à l’inclusion. Une meilleure prise en compte de ces aspects permettrait également à des personnes aux capacités restreintes d’utiliser des produits et équipements de travail en toute sécurité et sans nuire à leur santé.

L’étude recommande d’ajouter dans les normes une exigence selon laquelle les fabricants devraient fournir, dans l’information pour l’utilisation de leurs produits, un profil d’exigences relatif aux caractéristiques et capacités humaines. Le but de cette démarche serait d’inciter les fabricants à prendre en compte des aspects relatifs à l’inclusion, et de permettre ainsi aux personnes handicapées de mieux participer à la vie professionnelle.

Dr. Beate Schlutter

schlutter@kan.de

 

1 Plan d’action de la DGUV (en anglais), 2011, p. 28 www.dguv.de/medien/inhalt/presse/2011/Q4/aktionsplan/aktionsplan_en.pdf
2 Étude KAN : « La contribution de la normalisation relative à la SST dans la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées – Étude de faisabilité » (réalisée par l’institut ASER; en allemand, résumé en français) www.kan.de/fr/publications/kan-studien
3 www.kan.de/fileadmin/Redaktion/Dokumente/KAN-Studie/de/KAN-Empfehlungsblatt.pdf (en allemand)