KANBrief 2/16

Chariots élévateurs : les systèmes à gain de stabilité à l’essai

Chaque année, en France, les chariots élévateurs sont la cause de plus de 8 000 accidents avec arrêt maladie, d’environ 560 accidents avec incapacité permanente, et de 4 à 6 accidents mortels lors d’un renversement latéral. En Allemagne, les chiffres sont équivalents1. L’INRS2 et la BGHW3 ont étudié quelle marge de stabilité vis-à-vis de l’exigence de la norme EN 16203 est envisageable lorsqu’un chariot est équipé d’un système à gain de stabilité.

Aujourd’hui, différents fabricants de chariots ont développé des systèmes à gain de stabilité (SGS) qui permettraient de réduire considérablement le risque de renversement latéral. Or, le protocole d’essai de la norme EN 162034, applicable pour vérifier la stabilité des chariots élévateurs de moins de 5 tonnes, ne fournit pas de données exactes concernant la limite de stabilité du véhicule, et ne permet pas non plus de qualifier la performance ou l'efficacité des SGS. Les avantages des récentes innovations faites par les fabricants de chariot ne peuvent alors pas être mis en avant.

La campagne d’essais de l’INRS et de la BGHW
L’INRS et le BGHW se sont associés pour définir et réaliser un programme d’essais permettant d’évaluer les performances des SGS. Le protocole d’essai suit la procédure normalisée évoquée ci-dessus. Le trajet comporte un virage à angle droit à prendre avec la pédale d’accélérateur écrasée en permanence. La largeur du couloir en sortie du virage est stipulée dans la norme en fonction de la vitesse maximale du chariot et de ses dimensions. Le conducteur doit réussir trois virages sans toucher les limites du parcours ni permettre le soulèvement de la roue arrière intérieure. Les performances des SGS ont été évaluées en réduisant la largeur du couloir de sortie par pas successifs de 50 cm, et ce, jusqu’à ce que le conducteur du chariot ne puisse plus respecter les critères du test. Les chariots étaient équipés de béquilles de sécurité latérales (cf. figure ci-dessus).

Suivant un appel aux fabricants européens de chariots élévateurs, les SGS développés par les marques Still, Jungheinrich, Toyota, Linde et Hyster ont pu être évalués dans cette étude. Onze véhicules couramment utilisés en entreprise ont été testés (capacité de levage entre 1,6 et 2,5 tonnes, 3 ou 4 roues, mus par énergie thermique (gaz, diesel) ou électrique). Les vitesses maximales atteintes se situaient entre 15 et 20 km/h.

Comment fonctionne le SGS ?
La plupart des SGS réduisent la vitesse du chariot lors d’un virage en fonction de l’angle de braquage. Cette technique a d’abord été implantée sur les chariots électriques, puisqu’il est plus aisé de réguler instantanément la puissance d’un moteur électrique. Elle commence à être proposée sur des chariots à moteur thermique. D’autres SGS bloquent ou modifient momentanément le comportement de l’essieu arrière oscillant (chariots à 4 roues uniquement). Parmi les chariots testés, huit chariots électriques et un engin à moteur thermique étaient équipés d’une régulation de la vitesse en courbe. Deux chariots thermiques étaient équipés d’un dispositif agissant sur l’essieu arrière oscillant. Deux chariots électriques à 4 roues couplaient les deux solutions.

Les résultats
Les résultats des tests (voir graphes) montrent la limite de stabilité de chaque chariot (largeur de couloir W3 validée) en fonction de sa vitesse maximale donnée. Plus W3 est petit, meilleure est la stabilité du chariot. Les seuils limites de stabilité, au sens de la norme, ont été reportés sous forme de trait continu noir. Il apparait clairement que les chariots ont une stabilité bien meilleure que celle exigée par la norme. Les véhicules les plus stables sont les chariots électriques à 3 roues ayant une vitesse de pointe inférieure à 17 km/h et dont la réduction de vitesse est d’autant plus efficace que le virage est serré. Le principal atout des SGS réside dans le fait qu’ils peuvent reduire de manière fiable l’occurence d’un renversement latéral dû à un excès de vitesse.

Un autre critère de stabilité consiste à relever le nombre de soulèvements de la roue arrière intérieure au virage lors des quatre derniers palliers, les plus sévères, du test. Sur les 11 chariots testés, 5 ont validé ces quatre paliers sans qu’aucun soulèvement de la roue arrière ne soit observé. Les chariots à 4 roues les plus stables sont ceux qui couplent à la fois une réduction de vitesse en courbe et le blocage de l’essieu arrière.5

En perspective, ces résultats seront utilisés pour, à la fois, proposer une révision des seuils définis dans la norme et orienter le choix des utilisateurs vers du matériel plus sûr.

Jérôme Rebelle                   Marcus Gaub
jerome.rebelle@inrs.fr    m.gaub@bghw.de 

1  www.dguv.de/medien/inhalt/zahlen/documents/au_statistik_2014.pdf, pp. 70
2 Institut national de recherche et de sécurité (France)
3Berufsgenossenschaft Handel und Warenlogistik (Allemagne)
4 EN 16203:2014. Sécurité des chariots de manutention – Essais dynamiques pour la vérification de la stabilité latérale – Chariots en porte-à-faux
5 Conception innovante de béquilles latérales pour chariots élévateurs […]. INRS, Note Scientifique et Technique N°342. Mai 2016