KANBrief 2/25

Trois questions à… Eckhard Metze, responsable du bureau Employeurs au sein de la KAN jusqu'en mars 2025

Jusqu’à son départ en retraite, Eckhard Metze a défendu pendant plus de 25 ans les intérêts des employeurs dans de nombreux comités de normalisation et d’organismes de SST.

Depuis sa création en 2013, vous avez été membre du comité de normalisation Processus d’organisation au sein du DIN, comité dont vous avez pris la présidence en 2019. D’où vient votre intérêt pour ce domaine ?

Au début de mon activité en tant que responsable du bureau Employeurs au sein de la KAN, je me suis penché sur les systèmes de management de la sécurité et santé au travail et sur le passage de la norme BSI OHSAS18001 à ISO 45001, qui était la première norme internationale dans ce domaine. L’élaboration de la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociétale a été en outre un sujet sur lequel j’ai particulièrement travaillé.

Mon souhait aujourd’hui serait que le nombre de ces normes reste limité. Si, d’un côté, nous appelons de nos vœux une débureaucratisation et un dépoussiérage de la réglementation, nous ne pouvons pas vouloir les remplacer par des normes dont l’application est certes facultative, mais qui deviennent contraignantes quand elles débouchent sur une certification ou servent de base à un contrat. Il s’agit là d’un état de fait auquel le comité de normalisation Processus d’organisation du DIN devrait s’attaquer.

Quels sont, selon vous, les sujets de normalisation particulièrement critiques ou importants ?

La normalisation investit de plus en plus des domaines qui n’ont rien à voir avec la normalisation technique classique. Je pense par exemple à des sujets tels que la compliance, la lutte anti-corruption, le management des ressources humaines et la durabilité organisationnelle, mais aussi aux exigences en matière de services et de qualifications. Pour la KAN, l’un des enjeux de plus en plus pressants est de veiller à ce que les questions qui relèvent de la compétence réglementaire des partenaires sociaux soient exclues de la normalisation. Par principe, les sujets tels que les rémunérations ou la prévention sociale n’y ont pas leur place.

Une étape importante à ce propos a été la création, en 2011, du groupe de travail « Normalisation » auprès du Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu de travail auprès de la Commission européenne, création survenue, entre autres, à l’initiative du bureau « Employeurs » du secrétariat de la KAN. Il existe ainsi au niveau européen une instance tripartite au sein de laquelle État, employés et employeurs peuvent échanger sur des questions relevant de la politique de normalisation. Une discussion critique a porté notamment sur l’intégration dans les normes des états de fait pour lesquels, en vertu de l’article 153 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la réglementation relève exclusivement des compétences des différents États membres ou des partenaires sociaux.

Un enjeu qui m’a toujours tenu particulièrement à cœur a été la normalisation en matière d’ergonomie. Les normes fournissent aux entreprises les bases et les principes de l’ergonomie, et constituent un ensemble de règles acceptées par toutes les parties intéressées concernant la conception du travail et des produits. Au sein du comité consultatif du Comité de normalisation Ergonomie, nous avons élaboré un concept moderne pour la normalisation ergonomique, concept qui a eu également un impact décisif sur les organismes de normalisation internationaux et européens que sont l’ISO/TC 159 et le CEN/TC 122. Passerelle importante entre la science et la pratique, la normalisation ergonomique se penche aussi sur les questions qui concernent la conception du travail de demain, et cherche des solutions aux défis actuels et futurs, comme la manière de gérer le stress psychologique lié au travail, l’organisation du travail adaptée à l’âge, ainsi que la conception de la numérisation et de l’intelligence artificielle.

Quels sont selon vous les défis actuels pour le travail de normalisation ?

L’un des principaux défis consiste à trouver encore suffisamment de personnes désireuses de travailler dans les comités de normalisation et de contribuer à représenter les intérêts allemands, surtout au niveau de la normalisation internationale. Malheureusement, la normalisation internationale est de plus en plus déterminée par des nations qui ne la considèrent pas seulement comme un instrument permettant de transmettre des connaissances, mais en premier lieu comme un moyen de faire valoir leurs intérêts économiques et commerciaux nationaux. Il faut lutter à tous les niveaux contre cet état de fait.

Je vois en revanche de grandes opportunités dans la numérisation des procédures de normalisation. Elle permet, à de nombreux niveaux, de gagner du temps et d’économiser des ressources. Elle ne peut toutefois pas remplacer les rencontres personnelles. Et un principe reste incontournable : la normalisation doit impérativement reposer sur un consensus. Or, cela implique aussi une participation du plus grand nombre possible de groupes sociaux, notamment de représentants des partenaires sociaux, mais aussi des milieux scientifiques, des pouvoirs publics et de la société civile.