KANBrief 4/16

Normalisation des engins de terrassement : de la théorie à la pratique

Les rédacteurs de normes et ceux qui fixent les règles sont-ils parfois déconnectés de la pratique ? Désireux de constater par eux-mêmes si certaines exigences relatives à la visibilité sur les engins de terrassement étaient réalistes et applicables, des représentants d’autorités de surveillance du marché et d’organismes de normalisation ont passé ensemble une journée dans une entreprise et examiné de près différents engins.

Sur les machines mobiles, la fonction ‘mobilité’ est – après la fonction ‘levage’ – la plus génératrice d’accidents, les collisions avec des piétons étant souvent dues à un manque de visibilité. Avec les chariots industriels, les engins de terrassement sont ceux qui, compte tenu de l’environnement spécial dans lequel ils évoluent, sont particulièrement sujets aux accidents. Il ressort d’études réalisées par l’INRS1 que l’amélioration de la visibilité directe permettrait d’éviter un tiers environ des accidents, ou tout au moins d’en réduire nettement la gravité.

Alarmées par la multitude d’accidents, les autorités de surveillance du marché des États Membres ont constaté que la norme ISO 5006 sur la visibilité des engins de terrassement ne correspondait plus à l’état de l’art. C’est pourquoi, en 2013, la Commission européenne a, en raison de cet aspect, prononcé un retrait de la présomption de conformité pour la norme EN 474-12, qui traite de la sécurité des engins de terrassement et se réfère, à propos de la visibilité, à la norme ISO 5006.

La question que se posaient ainsi les autorités de surveillance du marché était de savoir d’après quels critères concrets elles devaient évaluer la visibilité. La Task Force « Engins de terrassement » de l’ADCO3 a proposé cinq points clés pour l’amélioration de la norme qui, s’ils sont respectés, permettent de conclure que la visibilité est suffisante4. Après avoir été ensuite approuvés par le groupe ADCO et la Commission européenne, ces points ont été repris par le comité de normalisation, qui a toutefois réfléchi à des alternatives possibles.

Mieux communiquer – mais comment ?
Au cours des concertations entre le comité de normalisation et l’ADCO, il est ressorti que, pour chacune des parties prenantes, il s’avérerait utile d’examiner la problématique et les solutions possibles à partir d’exemple concrets. En mars 2015, une réunion regroupant des spécialistes de certains constructeurs, des représentants du Comité Européen des Constructeurs d’Équipements (CECE), des préventeurs et les représentants des États Membres impliqués dans la Task Force s’est tenue sur le site d’un importateur allemand d’engins de terrassement, à l’initiative de la Task Force et soutenue par la BG BAU5.

Charles Crowell, animateur du groupe de travail ISO, a fait le point sur l’avancement de la révision de la norme ISO 5006. Kurt Hey (BG BAU), a ensuite rappelé la méthodologie adoptée en 2006 : pour la visibilité à proximité de la machine, un objet test doit être visible partout sur un rectangle situé à 1 mètre de la machine ; en outre, l’entrave admissible à la visibilité est mesurée sur un cercle se situant à 12 mètres de distance du poste de conduite.

Voir les machines en fonctionnement
Sur un espace extérieur, des mesures de champ de vision ont été effectuées sur une pelle hydraulique à chenille. Des représentants des États membres et de l’Institut syndical européen (ETUI) ont participé eux-mêmes à la mesure. Une démonstration d’un système de mesure et d’enregistrement automatique a par ailleurs été menée sur une balayeuse de voirie, un système qui peut également être transposé à d’autres machines.

Sur différentes machines, les participants ont pu se faire une idée plus précise de l’utilité de dispositifs tels que les rétroviseurs et les caméras. Étaient disponibles à cet effet une multitude de machines différentes6.

Enfin, deux générations de machines ont été comparées, et ce pour se rendre compte des difficultés engendrées par la mise en œuvre de la récente réglementation anti-pollution (TIER 4) qui conduit à l’accroissement de la taille des moteurs et de leur système d’échappement, ce qui neutralise en partie les améliorations de la visibilité.

Le débat fut très nourri, en particulier autour de la nécessité d’améliorer les exigences de la norme, de manière à considérer l’ensemble de la zone se situant entre 1 mètre et 12 mètres, ce qui permettrait de mieux éviter les angles morts.

Une expérience à renouveler
La rencontre a été très appréciée de tous, car elle a donné un aperçu de la diversité des machines et des paramètres d’influence, et a eu un impact positif sur la compréhension mutuelle de tous les participants – expérience à renouveler, et certainement utile à d’autres comités de normalisation.

Pierre Picart
Chair of ADCO Task Force on Earthmoving machinery
Ministère français du Travail 
pierre.picart@dgt.travail.gouv.fr     

 

1 Études D 2318 et ND 2345 www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/ND/TI-ND-2318/nd2318.pdf  www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/ND/TI-ND-2345/nd2345.pdf
2 EN 474-1 Engins de terrassement – Sécurité – Partie 1 : prescriptions générales
3 Groupe de coopération administrative des autorités de surveillance du marché
4 Voir la KANBrief 4/14, www.kan.de/fr/publications/kan-brief/sicherheit-mobiler-maschinen/erdbaumaschinen-bessere-sicht-in-sicht/
5 Organisme d’assurance sociale allemande des accidents du travail et des maladies professionnelles des secteurs du bâtiment et de la construction
6 Une chargeuse pelleteuse, un chargeur compact (skid steer), un tombereau à chargement avant, un compacteur tandem, des pelles hydrauliques de différentes tailles et des bulldozers