KANBrief 4/13
Il n’existe à l’heure actuelle aucune méthode harmonisée permettant de tester de manière reproductible et comparable l’action protectrice de gants contre les coupures et l’abrasion. Une méthode est, certes, indiquée dans la norme EN 3881, mais ladite norme présente des lacunes considérables et aurait d’urgence besoin d’être actualisée. Bien que cela soit notoire depuis 2007, le groupe de travail 8 du CEN/TC 162 n’a, à ce jour, pas réussi à se mettre d’accord pour transposer dans la norme les pistes de solution existantes.
L’expérience montre que, pour les équipements de protection individuelle, il n’est pas facile de trouver des méthodes d’essai permettant d’en déterminer l’action protectrice réelle. Le choix d’un EPI adéquat implique généralement que des experts expérimentés présélectionnent un certain nombre de produits, qui sont ensuite évalués en fonction des spécificités du poste de travail et des critères qui y sont liés. C’est pourquoi le marquage, les niveaux de performance et les informations pour l’utilisation découlant des exigences des normes doivent tout au moins permettre de procéder à cette présélection. Or, c’est précisément ce qui, depuis des années, n’est pas possible pour les risques de coupure et d’abrasion.
Il y a coupure et coupure
Selon l’essai de résistance à la coupure décrit dans la norme EN 388, il est tout à fait possible que, dans une situation concrète, un gant affichant un niveau de performance peu élevé protège aussi bien, voire mieux, qu’un gant d’un niveau de performance supérieur. L’une des principales explications à ce phénomène est que les matériaux contenant des fibres minérales dont se compose le gant sont capables d’émousser la lame normalisée à une telle vitesse que les niveaux de résistance à la coupure ainsi déterminés sont trop élevés. Mais la norme n’indique pas comment on pourrait mesurer cet émoussement de la lame, ni comment le personnel chargé des essais peut décider à quel moment la mesure est correcte, ou bien quand il faut remplacer la lame, voire stopper l’essai.
Des exigences se rapportant à ce sujet, ainsi que d’autres suggestions d’améliorations ont, certes, déjà été décrites dans une proposition interne du comité de normalisation européen compétent. Malheureusement, ces solutions, qui permettraient pourtant d’améliorer notablement la situation actuelle, n’ont jamais dépassé le stade d’un document de travail non publié.
Une solution également envisageable consisterait à prescrire dans la norme une lame se prêtant à des essais aussi bien sur des matériaux courants que sur des matériaux nouveaux, par exemple renforcés aux fibres minérales. La conséquence en serait toutefois que les niveaux de performance obtenus seraient plus faibles que ceux déterminés jusqu’à présent selon la norme EN 388.
Abrasion : tester sérieusement ou fermer les yeux ?
Une actualisation serait également nécessaire pour l’essai d’abrasion. Le papier abrasif indiqué dans la norme n’est plus vendu depuis 2007. On n’a manifestement pas trouvé de produit de remplacement possédant des caractéristiques comparables et conforme aux spécifications de la norme. C’est pourquoi, en Europe, les essais sont effectués aujourd’hui avec des papiers abrasifs différents, de sorte que les résultats obtenus ne sont pas comparables. De plus, il n’est pas suffisamment précisé quand exactement le matériau testé se trouve perforé par l’abrasion.
Une solution possible depuis longtemps serait un papier abrasif, que l’on a déjà trouvé, qui permettrait une meilleure comparabilité et reproductibilité des valeurs d’abrasion. Tout comme pour la résistance à la coupure, ces exigences n’ont, à ce jour, toutefois pas trouvé le consensus nécessaire pour être reprises dans la norme.
Un immobilisme dangereux de la normalisation
Malgré les modifications préconisées depuis des années, la norme EN 388, dont la dernière révision a eu lieu en 2003, n’a pas été mise au niveau que l’on pourrait attendre tout au moins d’une solution intermédiaire sur la voie d’une norme harmonisée. Étant donné que, pour les risques de coupure ou d’abrasion, il n’est même pas possible, dans de nombreux cas, d’effectuer des comparaisons reproductibles de produits, il n’est guère possible dans la pratique de choisir les gants de protection convenant à des conditions de travail concrètes en se basant sur les niveaux de performance déterminés par les essais.
Pour que l’utilisateur soit protégé convenablement et que l’employeur puisse s’acquitter de son devoir de diligence, il ne faut pas que les gants de protection fassent l’objet d’une évaluation trop favorable, ni que des informations susceptibles d’induire l’utilisateur en erreur soient diffusées. La situation actuelle rend non seulement la prévention plus difficile, mais cause aussi une distorsion de la concurrence. La KAN entend s’investir, au niveau national et européen, pour que la norme EN 388 ne déclenche plus une présomption de conformité injustifiée.
Corrado Mattiuzzo
mattiuzzo@kan.de
1 EN 388:2003, Protective gloves against mechanical risks