KANBrief 3/19

Les exosquelettes au travail. Et la sécurité ?

En Allemagne, 23 % environ des travailleurs doivent soulever et porter des charges lourdes, et 14 % travaillent dans des postures défavorables1. Les exosquelettes – des systèmes d’assistance portés sur le corps – ont pour but de faciliter ce travail. Développés initialement pour un usage militaire ou de rééducation médicale, ils font aujourd’hui leur entrée dans le monde du travail. Comment fonctionnent les exosquelettes ? Quelles opportunités, mais aussi quels risques recèlent-ils ?

L’utilisation d’exosquelettes sur les lieux de travail est indiquée partout où il faut déplacer manuellement des charges lourdes ou effectuer des activités dans des postures contraignantes, quand on ne peut pas recourir à d’autres aides techniques telles que des chariots élévateurs, grues ou palonniers à ventouses. L’usage de ces systèmes d’assistance physique est également envisageable dans le cadre de la réinsertion professionnelle ou de l’inclusion d’employés handicapés.

Des exosquelettes actifs et passifs

Les exosquelettes actifs sont dotés d’un système d’entraînement électrique ou pneumatique et doivent donc être alimentés en énergie. Ils peuvent être de conception modulaire et extensibles, de manière à pouvoir assister plusieurs régions du corps. Les exosquelettes actifs étant très complexes et souvent très lourds, leur acceptabilité dans l’industrie est actuellement encore très faible.

Sur les exosquelettes passifs, l’assistance s’effectue de manière purement mécanique, par exemple par le biais de systèmes de ressorts qui absorbent l’énergie lors de certains mouvements du corps, puis la libèrent pour assister les mouvements. Ils n’ont pas besoin d’être alimentés en énergie et n’assistent généralement que certaines parties du corps. Étant plus légers et moins coûteux que les exosquelettes actifs, ils sont nettement mieux acceptés dans les entreprises.

Des exigences de sécurité peu claires

On discute actuellement au niveau européen de la question de savoir de quelle directive ou règlement de l’UE relèvent les exosquelettes. En tant qu’aides techniques, il serait envisageable de les classer dans la catégorie relevant de la directive Machines 2006/42/CE. Des objectifs de sécurité décrits dans l’annexe 1 de cette directive pourraient déjà donner des indications sur la manière d’éviter les risques lors de leur utilisation. Les exosquelettes utilisés dans le cadre d’une réinsertion professionnelle ou inclusion des personnes handicapées pourraient entrer dans le champ d’application de la directive européenne 93/42/CEE relative aux dispositifs médicaux (transposée par la loi sur les dispositifs médicaux [MPG] en Allemagne). Les exo­squelettes étant destinés à protéger contre une surcharge lors du levage ou du port de charges, ou du travail dans une posture contraignante, il est également envisageable de les rattacher au Règlement (UE) 2016/425 relatif aux équipements de protection individuelle.

Les risques possibles pour les travailleurs

Pour pouvoir juger de l’ampleur des risques induits par les exosquelettes, ces risques doivent être identifiés et évalués. Or, en l’absence d’études menées à ce sujet, cela n’est pas encore possible. Le port quotidien d’un exosquelette sur une période prolongée, par exemple, provoque-t-il une perte musculaire et, si oui, comment l’évaluer ? Au bout de combien de temps faut-il s’attendre à des troubles circulatoires dans les bras lors de travaux effectués au-dessus de la tête à l’aide d’un exosquelette ? Dans le cas d’exosquelettes actifs, un dysfonctionnement de la technique d’entraînement ou de la commande peut provoquer des blessures. Il en est de même pour des dysfonctionnements dus à des erreurs de manipulation.

Afin d’identifier et d’évaluer les risques induits par les exosquelettes, la BGHW 2 a initié en 2018 un projet intitulé « Exo@work – Évaluation des systèmes d’exosquelette dans le monde du travail ». Le but en est d’élaborer un guide contenant des recommandations, permettant par exemple d’identifier et d’évaluer systématiquement les phénomènes dangereux, les risques pour la santé, l’acceptabilité et la facilité d’utilisation de ces systèmes.

On notera que, dans la hiérarchie des mesures de protection, les exosquelettes arrivent en dernière position. Il convient donc d’exploiter d’abord toutes les mesures techniques et organisationnelles permettant d’éviter la manutention de charges lourdes ou le travail dans des postures contraignantes. Ce n’est que si cela n’est pas possible que l’utilisation d’un exo­squelette en tant que mesure individuelle sera indiquée. Par principe, leur usage devra toujours s’accompagner de mesures comportementales adéquates, notamment de formations pratiques et d’exercices.

Où en est la normalisation ?

Même si le marché des exosquelettes n’en est encore qu’à ses débuts et que l’heure est actuellement à la recherche, au développement et aux essais pratiques, la demande en normes se fait de plus en plus pressante. En coopération avec la BGHW, les réalisateurs de l’étude exo@work et le DIN, la KAN a organisé un atelier sur ce thème pour discuter s’il serait judicieux de lancer un projet de norme dédié aux exosquelettes. Outre des définitions, il pourrait établir les premières exigences générales techniques et ergonomiques, et formuler des recommandations pour l’introduction des exosquelettes.

Ralf Schick
r.schick@bghw.de 
 

1 BMAS, BAuA. Sicherheit und Gesundheit bei der Arbeit 2016
www.baua.de/DE/Angebote/Publikationen/Berichte/Suga-2016.pdf?__blob=publicationFile&v=12
(en allemand)
2 Organisme d’assurance sociale allemande des accidents du travail et des maladies professionnelles des secteurs du commerce et de la logistique des marchandises