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Le Bureau des employés de la KAN – Une innovation a 20 ans

Lors de sa fondation, il y a 20 ans, la KAN était en soi une institution exceptionnelle, créée spécifiquement pour accroître le poids des partenaires sociaux, alors peu représentés, dans la normalisation. Le fait que les employés et les employeurs disposent chacun de leur propre bureau au sein du Secrétariat de la KAN s’inscrit dans cette démarche. Pour syndicats et salariés, le bureau des employés est devenu un interlocuteur privilégié pour tout ce qui concerne la SST et la normalisation.

L’un des premiers sujets soumis à la KAN par les syndicats concernait les accidents sur les véhicules de collecte des déchets. Une étape importante a été franchie à l’époque lorsqu’ont été ancrées dans la norme pertinente1 des dispositions limitant la vitesse à 30 km/h en marche avant et interdisant la marche arrière pour les bennes de collecte des déchets en cas de présence d’un ripeur sur le marchepied arrière. Ce qui n’a toutefois pas pu être évité, c’est l’usage de capteurs de poids comme seul moyen de vérifier une présence sur le marchepied. Ceux-ci peuvent en effet être facilement neutralisés, par exemple en les bloquant par des cales.

La normalisation doit exploiter les connaissances empiriques ! Pour identifier les intérêts des travailleurs, le Bureau des employés a adopté une méthode très efficace dans des projets menés avec l’Institut syndical européen2. Des conducteurs de chargeurs télescopiques, chariots élévateurs et moissonneuses- batteuses ont été interrogés directement en tant qu’experts de « leurs » machines, le but étant de mettre à profit leur expérience pratique pour des suggestions d’amélioration. Cette méthode nécessite d’importants moyens, certes, mais elle est nécessaire, car, dans de nombreux comités de normalisation, personne ne sait vraiment comment se comportent les produits dans la pratique3.

Nous avons besoin de nouvelles normes

Un lancement de projet de norme à l’issue positive est celui qui concerne les presses à balles. Dans une presse à vieux papiers, un travailleur avait subi un accident mortel alors qu’il essayait de remédier à un bourrage en aplatissant les matériaux au pied. La presse ne possédait pas de dispositif d’arrêt d’urgence, et il n’existait pas non plus de norme où on aurait pu trouver des exigences de sécurité adéquates. En collaboration avec la BGHW4 et avec des préventeurs anglais et français, la KAN a élaboré un projet de norme qu’elle a soumis au CEN. Avec succès : au terme de 5 années de discussion, la norme sur les presses à balles5 a été publiée en 2011.

Il n’est pas toujours facile de faire valoir les intérêts des travailleurs dans la normalisation, comme le montre l’exemple des engins de construction. Reprenant une initiative du syndicat allemand de la construction IG Bau, ainsi que des pétitions adressées aux parlements allemand et européen, la KAN s’investit pour que la norme consacrée aux engins de construction6 exige l’usage d’équipements tels que des caméras reliées à des écrans offrant au conducteur une visibilité suffisante tout autour de son engin. Jusqu’à présent, cette revendication se heurte, de la part d’autres cercles, à un blocage motivé par des enjeux économiques, et ce en dépit de tous les accidents mortels.

Là où le bât blesse

Ce qui n’a toutefois pratiquement pas changé pendant toutes ces années, ce sont les barrières structurelles dressées par le système de normalisation pour les groupes d’intérêt :

• Bien que, théoriquement, le travail de normalisation soit également ouvert aux employés, cette participation entraîne des frais élevés. Pour les cercles qui ne tirent aucun bénéfice économique direct des normes élaborées, mais qui représentent l’intérêt public, la participation devrait être gratuite, voire – et ce serait l’idéal – être subventionnée par des fonds publics.
• L’accès aux documents se trouve facilité par le fait que tout au moins les projets de normes sont disponibles gratuitement. Le fait qu’il faille toutefois encore acheter les normes achevées n’est acceptable que dans les cas où elles servent à des usages économiques privés. Ce n’est en revanche pas acceptable pour les normes élaborées en vertu d’un mandat public et financées par des fonds publics. Les normes qui concrétisent des objectifs politiques et des exigences légales doivent – tout comme les lois – être disponibles gratuitement et facilement.

Une démocratisation du système de normalisation, telle que la réclament les syndicats, reste donc à l’ordre du jour, en particulier pour le niveau européen. Pour les votes européens, les syndicats réclament une protection des minorités, telle qu’elle est pratiquée par le DIN, afin que, pour les normes harmonisées, des intérêts économiques privés ne puissent pas l’emporter sur des enjeux d’intérêt public. Et lorsque les normes traitent de la SST, il faut – au niveau européen aussi – garantir une possibilité de participation privilégiée à ceux qui, au final, sont directement concernés : les travailleurs.

Ulrich Bamberg

1 EN 1501-1 Bennes de collecte des déchets – Exigences générales et exigences de sécurité – Partie 1 : bennes à chargement arrière
2 ETUI, www.etui.org
3 Cf. Chariots élévateurs (KANBrief 1/05), Chargeurs télescopiques (KANBrief 3/08).
4 Organisme d’assurance sociale allemande des accidents du travail et des maladies professionnelles des secteurs du commerce et de la distribution
5 EN 16252 Machines de compactage pour déchets ou matières recyclables – Presses à balles horizontales – Prescriptions de sécurité
6 EN 474-1 Engins de terrassement – Sécurité – Partie 1 : prescriptions générales

Ulrich Bamberg dirige le Bureau des employés de la KAN depuis 1994. Il part en retraite fin avril 2014.