KANBrief 3/22

Produits de construction : la sécurité ne doit pas être une option à prendre ou à laisser

Le règlement européen Produits de construction (RPC) du 8 mars 2011 établit des conditions harmonisées de commercialisation des produits de construction sur le marché de l’UE. Il est prévu de procéder à une révision en profondeur de ce règlement et de mieux l’adapter aux besoins actuels du marché. Un aspect important pour la SST est le fait que le projet contient désormais aussi des exigences en matière de sécurité des produits, ce qui signifie que le règlement est mis en cohérence avec les autres actes législatifs européens relatifs au Marché intérieur.

Jusqu’à présent, la sécurité des produits de construction n’est réglementée au niveau européen que par des dispositions juridiques très vagues. C’est ainsi que la directive européenne relative à la sécurité générale des produits (DSGP) ne couvre que la sécurité des consommateurs, mais pas celle du vaste groupe de personnes qui travaillent dans la construction. Un désavantage majeur est surtout le fait que cette directive n’a eu aucun effet sur les produits de construction, leurs fabricants ne disposant ainsi que de peu de spécifications sur la manière dont ils peuvent concevoir des produits sûrs. Ils doivent donc agir de leur propre initiative et à leurs propres frais. Dans la pratique, cela signifie que les exigences de la DSGP en matière de sécurité restent souvent lettre morte. L’exemple des coupoles de toit, pour lesquelles plusieurs décès dus à des chutes dans le vide sont enregistrés chaque année rien qu’en Allemagne, illustre bien cette situation. Ni les dispositions de la DSGP, ni l’exigence relative à la sécurité d’utilisation définie dans le règlement actuel sur les produits de construction n’ont, en l’occurrence, débouché sur une sécurité suffisante.

La sécurité des produits : un impératif

Jusqu’à présent, les exigences du RPC portaient uniquement sur les ouvrages de construction finis et, seulement par déduction, sur les produits de construction. Dans l’actuel projet de révision du règlement (en anglais), des exigences relatives à la fonctionnalité, à la sécurité, à l’impact environnemental et au recyclage des produits, ainsi qu’aux obligations d’information des distributeurs, ont été ajoutées à l’Annexe I B/C/D. En se saisissant de ce vaste catalogue d’exigences inhérentes aux produits, exigences qui concernent exclusivement les produits de construction, la Commission européenne opère un net changement de paradigme par rapport aux règlements précédents.

Il s’agit là d’une démarche nécessaire et urgente, et ce pour plusieurs raisons. Concernant le niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité exigé à l’article 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), le RPC présente jusqu’à présent un vide juridique flagrant du fait qu’il exclut des exigences de sécurité applicables aux produits proprement dits. Ceci est extrêmement incohérent, des lois nationales des États membres de l’UE invoquant en effet à divers endroits la très grande importance à accorder à la protection de la santé. S’ajoute le fait que les accidents sont particulièrement fréquents dans le secteur de la construction et que la non-prise en compte de la sécurité des produits ne fait qu’aggraver le problème.

La comparaison avec d’autres catégories de produits met notamment en évidence que les machines et installations complexes doivent être en conformité avec de vastes exigences et que l’on s’efforce aussi actuellement de définir des exigences de sécurité adéquates pour les systèmes d’IA, qui sont d’une extrême complexité. Il est donc difficile de comprendre ce qui peut justifier le fait de ne pas traiter la sécurité des produits proprement dits dans le règlement sur les produits de construction. Tout indique au contraire qu’il devrait être relativement simple de doter précisément les produits de construction des caractéristiques nécessaires pour en assurer la sécurité.

La question des coûts

L’argument des coûts élevés invoqué d’une manière générale par plusieurs associations professionnelles n’est pas tenable quand on l’examine de plus près, les coûts additionnels – d’ailleurs probablement plutôt modérés – ne concernant en effet que les produits de construction pour lesquels des exigences supplémentaires relatives à la sécurité des produits seraient effectivement nécessaires. Ce qui est important, c’est qu’on se saisisse de l’enjeu qu’est la sécurité des produits sous une forme adaptée à notre temps.

Le manque de sécurité des produits peut, en revanche, entraîner des coûts non négligeables. Compte tenu des ressources en personnel qui se raréfient, les utilisateurs de produits de construction, qu’il s’agisse de particuliers, d’artisans ou d’entreprises industrielles, doivent pouvoir, aujourd’hui plus que jamais, se fier au fait qu’ils peuvent faire usage de leurs produits en toute sécurité. La maladie et l’absentéisme – outre la souffrance humaine – étant aussi des facteurs qui pèsent sur le bilan d’une société, les entreprises qui utilisent les produits sont particulièrement favorables à toute réglementation débouchant sur une plus grande sécurité. Cela vaut également pour les organismes d’assurance accidents qui, dans le cas de produits non sûrs, ont à supporter des coûts qui peuvent s’avérer astronomiques pour des accidents et des maladies qui pourraient être évités par la mise en place de standards relatifs à la sécurité des produits.

Les actes juridiques délégués ne conviennent pas à eux seuls

Du point de vue de la SST, le fait d’intégrer la sécurité des produits dans le projet de RPC constitue un grand progrès par rapport à l’actuelle réglementation. Les exigences techniques visées dans ce règlement ne s’appliquent toutefois qu’après l’adoption par la Commission européenne d’actes juridiques délégués. Ces actes définissent les exigences pour les différentes familles et catégories de produits, ainsi que les méthodes d’essai correspondantes, et constituent la base des mandats de normalisation. Afin de mettre de rendre les exigences de sécurité plus contraignantes , il faudrait d’urgence ajouter au projet une exigence applicable directement concernant la sécurité des produits (en renvoyant à l’Annexe I). Cela permettrait à la normalisation de réagir rapidement et sans les concertations séparées nécessaires pour un acte juridique délégué.

En outre, du point de vue de la SST, les actes juridiques délégués ne constituent pas un instrument juridique adéquat pour décider fondamentalement de la prise en compte de la sécurité des produits. Si aucun acte juridique délégué n’est adopté, il n’y aura de ce fait aucune exigence concernant la sécurité des produits. Comme cela a déjà été pratiqué pour d’autres règlements, cet instrument devrait plutôt être utilisé pour compléter et ajuster certaines exigences.

Michael Robert
robert@kan.de

Position de la KAN

La KAN a élaboré une position commune sur le projet de règlement relatif aux produits de construction, qu’elle présentera dans la suite des négociations au niveau européen. Elle y aborde notamment le rôle des actes délégués et demande que les exigences en matière de sécurité des produits soient ancrées dans le règlement de manière à pouvoir être directement transposées en mandats de normalisation et en normes.

Pour en savoir plus sur le domaine des produits de construction, cliquez ici (en anglais)