KANBrief 3/20

Une stratégie de normalisation pour l’artisanat

Pour l’artisanat, il est incontestable que, dans une économie basée sur la répartition du travail, des normes adéquates sont indispensables. Sans en renier les avantages, l’artisanat perçoit toutefois aussi des développements problématiques dans la normalisation. Dans son document de position sur l’artisanat et la normalisation (pdf) publié en mai 2020, l’Union centrale de l’Artisanat allemand (ZDH) plaide pour que la normalisation soit de nouveau davantage axée sur les besoins des PME.

Avec plus de 130 métiers, l’artisanat opère dans la quasi-totalité des domaines de de l’économie, que ce soit au sein de chaînes de valeur avec l’industrie, ou dans la production directe de produits et de services pour les consommateurs privés et le secteur public. Les artisans produisent, traitent et transforment d’innombrables produits de base, intermédiaires et finaux à partir des matériaux les plus divers. Presque partout, ils ont à respecter ou à appliquer des normes.

Une évolution problématique dans la normalisation

En dépit de tous les avantages que présentent la normalisation et les normes, également pour les PME artisanales, ce secteur perçoit aussi une évolution problématique dans ce domaine.

Outre un nombre croissant de normes, on constate une nette expansion des normes dites « génériques ». Ces normes horizontales ont notamment pour effet de compliquer considérablement les opérations de recherche et de nuire à la transparence, le lien avec le domaine dans lequel opère l’utilisateur n’étant souvent pas évident. Il était fréquent par le passé que les personnes concernées ne soient pas – ou pas suffisamment – informées et ne participent pas à l’élaboration des normes, ce qui, parfois, a conduit à des doublons, tant pour des normes, en termes de sujets traités et de contenus, que pour des règles et réglementations techniques.

D’un autre côté, pour les entreprises, des normes techniques font encore parfois défaut au niveau européen. C’est particulièrement vrai dans le domaine des nouvelles technologies, mais aussi dans le secteur de la construction, où les normes dont on aurait un besoin urgent se font encore attendre.

De plus, l’intelligibilité et la lisibilité des normes se sont peu à peu dégradées : elles sont devenues plus complexes, leur taille a augmenté et il n’est pas rare qu’elles soient difficilement compréhensibles, même pour les experts.

Du point de vue de l’artisanat, les normes ont pour tâche de refléter les règles reconnues de la technique, et d’intégrer les innovations. On observe toutefois des domaines dans lesquels il est fait référence de manière excessive aux dernières avancées de la recherche. L’applicabilité pratique – qui est pourtant un point absolument essentiel – passe alors au second plan.

Une autre tendance inquiétante est la réglementation par le biais de DIN SPEC. Ce que l’on vise ici, c’est de normaliser sans la participation – qui va normalement de soi – des cercles intéressés. Ceci ouvre la voie à la mise en avant d’intérêts individuels, ce qui nuit non seulement à la qualité, mais aussi à la réputation de la normalisation dans son ensemble.

Mais, souvent, c’est surtout le lien entre la normalisation et la base qui n’est plus suffisamment assuré : bien que la participation des PME au travail de normalisation soit absolument nécessaire pour garantir, dès l’élaboration d’une norme, que celle-ci sera applicable dans la pratique, elle n’est que peu pratiquée, par manque de personnel et de capacités financières.

Force est enfin de constater que la normalisation a tendance à être instrumentalisée par des groupes d’intérêt ou des entreprises (multinationales) pour atteindre des objectifs stratégiques. Il arrive aussi parfois que le monde politique tente de se décharger de sujets relevant du mandat réglementaire de l’État en les confiant à la normalisation. S’ajoute le fait que l’UE considère la normalisation comme étant avant tout un instrument propre à renforcer le Marché intérieur et à le doter de règles uniformes. Or, cela se fait parfois au détriment des exigences de qualité allemandes.

Prendre davantage en compte les PME

Sur cette toile de fond, il devient extrêmement compliqué de suivre les travaux de normalisation. La plupart des PME artisanales n’ont pas les moyens de le faire. Mais les organisations professionnelles qui défendent leurs intérêts ont, elles aussi, de plus en plus de mal à suivre les processus.

Il faut trouver des réponses à ces défis actuels dans la normalisation, afin que, demain aussi, les résultats de la normalisation soient largement acceptés. Ceci est indispensable pour le bon fonctionnement du système de normalisation. Nous avons élaboré à ce propos des propositions de solution concrètes, qui sont résumées dans notre position sur l’artisanat et la normalisation et qui constituent la base pour une stratégie globale de normalisation. L’un des éléments de cette stratégie est que l’artisanat soit conscient du rôle qu’il peut jouer dans ce domaine, et soit prêt à s’engager davantage pour cet enjeu.

Holger Schwannecke
Secrétaire général de l’Union centrale de l’Artisanat allemand