KANBrief 4/17

Industrie 4.0 – Le passage de la vision à la réalité

Dans l’usine du futur, l’homme et la machine sont connectés entre eux par des réseaux de données. Les objets et les systèmes communiquent, eux aussi : la pièce avec l’outil, le marché avec la production, la production avec le fournisseur. Ce travail en réseau au sein de la production et au-delà des limites de l’entreprise n’est toutefois possible qu’avec des normes et standards valables au niveau international, et avec du personnel très qualifié.

Depuis 1989, les salariés de l’usine d’électronique Siemens d’Amberg fabriquent la Simatic. Ce système de commande à mémoire programmable permet de contrôler pratiquement n’importe quoi, du rideau de théâtre à la chaîne de montage d’une usine automobile. Il en existe plus de 1000 variantes. À Amberg, chaque Simatic assure en outre le contrôle de sa propre fabrication, grâce à un code produit individuel qui se trouve sur chaque circuit imprimé. La Simatic indique en outre à chaque machine quelles sont ses exigences et quelles sont les étapes de production à suivre. Tous les processus sont optimisés et pilotés par l’informatique, tout est connecté avec tout par l’Internet des objets (IIoT) et par une solution de nuage propre au groupe Siemens. Plus d’un millier de scanners documentent en temps réel toutes les étapes du processus de fabrication, collectant des informations telles que la température de soudure, les données d’assemblage ou les résultats de tests. Chaque pièce, chaque machine, chaque opération est traduite en données et enregistrée.

Chaque jour, le système collecte ainsi plus de 50 millions d’ensembles de données – le Big Data. Ces données sont exploitées en temps réel et la production est intégralement analysée. Les capteurs et flux de données forment un réseau neuronal artificiel : l’usine intelligente se base sur ces données pour décider, par exemple, quand il faut fabriquer tel ou tel produit. En même temps, les toutes dernières avancées réalisées sur la Simatic sont intégrées en permanence dans la production, et, à l’inverse, les connaissances acquises pendant la production sont transmises aux services de R&D.

Interaction et mise en réseau au-delà des limites de l’entreprise
Les données relatives aux entrepôts et aux fournisseurs, en provenance des États-Unis, de Chine et d’Allemagne, ont également un impact sur la production à Amberg. Cela serait impossible sans des normes et standards pour des interfaces adéquates et une communication fiable. Compte tenu de la multitude de domaines technologiques concernées, il est improbable qu’une norme universelle Industrie 4.0 voie le jour. Mais la plateforme allemande Industrie 4.0 a élaboré le modèle d’architecture de référence RAMI 4.0, tandis qu’aux États-Unis, l’Industrial Internet Consortium (IIC) mettait au point une Industrial Internet Reference Architecture (IIRA). Siemens fait partie des entreprises qui s’investissent activement dans ces deux organisations qui travaillent aujourd’hui en coopération.

Malgré la numérisation en profondeur de l’usine Siemens, son aspect n’a pas sensiblement changé depuis son ouverture. On y trouve seulement des machines de plus grande taille et en plus grand nombre. Et pourtant, l’usine a multiplié par neuf son volume de production, sans accroître sa superficie ni augmenter sensiblement ses effectifs. En termes de qualité aussi, les progrès sont spectaculaires : alors que, en 1989, la production faisait état de 500 pièces défectueuses par million de défauts possibles (dpm), ce taux est tombé aujourd’hui à moins de 11 dpm.

Des exigences nouvelles pour les salariés
Au lieu d’effectuer toujours la même tâche au même endroit de la production, les salariés passent maintenant d’un poste à l’autre. Au lieu d’assembler un seul produit, ils peuvent en outre fabriquer jusqu’à 100 produits différents sur les îlots de montage modernes. Pour les aider, des écrans affichent les informations nécessaires. Et tandis que des robots se chargent des opérations fortement répétitives – et donc monotones – ce sont des opérateurs qui surveillent les processus de production et de contrôle. Ils sont aussi à l’origine d’idées d’amélioration, et interviennent en cas d’incidents imprévus.

La profondeur de connaissance du personnel évolue dans deux directions. D’un côté, les employés qualifiés doivent connaître parfaitement leurs machines et être capables d’utiliser des logiciels puissants. De l’autre, les systèmes permettent à l’humain de conduire les machines beaucoup mieux, et de les optimiser. Comme le révèlent plusieurs études1, les salariés allemands, grâce à leur excellente formation, sont capables de maîtriser ces exigences mieux et plus vite que leurs homologues dans beaucoup d’autres pays. Combiné au leadership technologique, cet atout vise à renforcer l’Allemagne en tant que lieu d’implantation économique. Reste à voir si ce scénario souhaitable est susceptible de se concrétiser, et s’il prend suffisamment en compte les intérêts des salariés.

Petra Hannen, rédactrice free-lance
mail@petrahannen.de

 

1 Pfeiffer; Lee; Zirnig; Suphan (2017):
Industrie 4.0 – Qualifikation 2025

Pfeiffer; Suphan (2015): Der AV-Index. Lebendiges Arbeitsvermögen und
Erfahrung als Ressourcen auf dem Weg zu Industrie 4.0

Jung, Kleibrink, Köster, Lichter, Rürup: Eine Wachstumsstrategie für das
digitale Zeitalter. (2016)
Handelsblatt Research Institute