KANBrief 4/15

Les qualifications professionnelles n’ont rien à faire dans les normes

On observe que la normalisation a de plus en plus tendance à décrire les qualifications et le moyen de les obtenir, pour permettre, sur cette base, une certification des individus. Les syndicats observent avec inquiétude ce phénomène qui remet en question la formation en alternance et la manière dont elle contribue à la sécurité et à la santé, tout comme le système de SST.

Quand on parle de qualification, on ne pense pas tout de suite aux normes. En Allemagne, ce domaine est en grande partie couvert par la formation en alternance, système reposant sur des ordonnances nationales élaborées avec le concours des partenaires sociaux. Elles prescrivent toujours des contenus relatifs à la SST, sur lesquels les candidats sont interrogés lors de l’examen. Dans l’ordonnance sur la formation des mécaniciens en fonderie, par exemple, il est prescrit que le candidat doit être capable « d’effectuer des travaux en tenant compte de la sécurité au travail »1. Les diplômes sanctionnant la formation en alternance pourront à l’avenir être intégrés dans le Cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie2, système dont le but est de rendre comparables les qualifications professionnelles, sans toutefois renoncer aux exigences nationales issues des systèmes holistiques existants.

À l’échelle de l’UE, on s’efforce d’harmoniser et de reconnaître les diplômes et compétences acquises individuellement. Depuis quelques années, la normalisation semble, elle aussi, servir de véhicule pour atteindre cet objectif, l’enjeu étant d’examiner et de certifier sur cette base les connaissances et compétences d’individus. Pour les professions non réglementées par des chambres et dans le secteur des services, en particulier, les qualifications sont décrites dans des normes. Il existe ainsi des projets de normes consacrés à la qualification des inspecteurs d’aires de jeux ou des constructeurs de voies ferrées. Le projet de norme EN 16708 relatif aux services dans les instituts de beauté contient par exemple des exigences précises sur la qualification reconnue dont doivent être titulaires les esthéticiennes.

Des certificats et encore des certificats ?

Du fait de cette évolution, on risque de voir les qualifications attestées globalement dans les diplômes de fin de formation fragmentées en plusieurs certificats. Or, pourquoi exiger des certifications pour chacun des modules d’une qualification si ceux-ci sont déjà contenus dans la formation ? À terme, le système de formation professionnelle est ainsi remis en question. Les entreprises doivent pouvoir se fier au fait que les diplômes sanctionnant une formation sont perçus et acceptés par leurs clients comme étant des critères de qualité. Au final, le fait d’exiger plusieurs certificats individuels est source de bureaucratie et oblige à faire le travail en double.

La prévention en entreprise doit rester exclue des normes

Lorsqu’il s’agit de qualifications liées à la SST, la normalisation a en outre fixé des limites très claires : comme le spécifient le document de principe sur le rôle de la normalisation dans la prévention en entreprise3 et la Déclaration commune allemande, les normes ne doivent contenir aucune exigence portant sur la prévention en entreprise. Si une norme décrit en détail la qualification nécessaire à une opération pour laquelle les travailleurs doivent tenir compte d’aspects liés à la sécurité, ceci relève directement des prescriptions sur la prévention en entreprise. Ceci vaut également lorsque des normes de qualification traitent de sujets tels que le contenu et la forme des instructions données en interne aux salariés sur des questions concernant la SST.

Il y a également lieu de s’inquiéter des tendances actuelles de la normalisation lorsqu’il s’agit de profils professionnels liés à la SST. Il existe ainsi pour les préposés à la SST un concept de formation émanant des organismes d’assurance accidents, librement disponible sous forme d’une information de la DGUV4. Cette qualification joue un rôle important dans les entreprises. Elle ne doit pas, elle non plus, être réglementée par des normes, cette profession étant étroitement liée aux réglementations nationales en matière de SST et ne reposant pas sur une base harmonisée à l’échelle européenne.

Une chose est certaine : personne n’est mieux à même de définir les besoins en matière de formation professionnelle que les partenaires sociaux. Le système pratiqué à ce jour a fait ses preuves, et il n’y a donc pas lieu de réglementer à l’avenir les qualifications dans des normes. Il est demandé à la KAN d’apporter encore à l’avenir son soutien dans ce sens aux représentants de la SST dans les instances de normalisation. 

Heinz Fritsche
Heinz.fritsche@igmetall.de

Frank Gerdes
frank.gerdes@igmetall.de

Daniela Tieves-Sander