KANBrief 1/10

Présomption de conformité: attention!

Les utilisateurs de normes harmonisées doivent pouvoir savoir précisément quelles exigences des directives y sont – ou non – concrétisées1. Quiconque se fie uniquement à la partie normative des normes harmonisées, et part donc du principe qu’il a tenu compte de toutes les exigences des directives, s’engage sur un terrain glissant. Il est donc conseillé de bien vérifier la portée réelle de la présomption de conformité.

Au final, la présomption de conformité2 n’est rien d’autre qu’un renversement de la charge de preuve. Cela signifie qu’un produit conforme aux normes ne peut être contesté, par exemple par les autorités de surveillance du marché, que si l’on peut prouver concrètement que le fabricant a enfreint les exigences des directives. Et c’est d’ailleurs tout à fait possible dans certains cas. De plus, la présomption de conformité s’applique exclusivement aux exigences des directives qui sont effectivement couvertes dans des normes harmonisées dont le titre a été publié dans le Journal officiel de l’UE.

Le rôle de l’Annexe Z

Les normes harmonisées qui concrétisent les directives Marché Intérieur, doivent comporter des annexes informatives ‘Z’ (ou ‘ZZ’ pour le CENELEC), où il est précisé sans ambiguïté quelles exigences essentielles des directives applicables y sont traitées. La Commission européenne souhaiterait que, dans le cas des normes publiées par le CEN, cela se fasse de préférence sous forme de tableaux détaillés précisant quels passages des normes concrétisent telle ou telle exigence des directives. S’il n’est pas possible, dans une norme donnée, de traiter toutes les exigences pertinentes – que ce soit par manque de connaissances ou par manque de consensus – il faudra alors indiquer clairement quelles exigences essentielles sont couvertes, et lesquelles ne le sont pas.

À la demande de la Commission, les organisations européennes de normalisation se sont donc dotées de règles précises pour l’ensemble du domaine concerné par la Nouvelle Approche3, règles qui ont été ensuite approuvées par la Commission européenne, par des lettres officielles adressées au CEN et au CENELEC, ainsi que par les États membres au sein du comité permanent 98/34/CE intitulé « Normes et règles techniques »4.

Des particularités pour les machines

Un autre référentiel pour les normes qui concrétisent la directive Machines est le CEN Guide 4145. Aux chapitres 5.3 et 6.4.2.2, ce guide exige que, dans le domaine d’application aussi, il soit également précisé très clairement dans quelle mesure les exigences de la directive ont été traitées dans la norme – une information très importante pour l’utilisateur. À ce jour, et en raison du manque de temps, de nombreuses normes n’ont pu être adaptées qu’au niveau de leur forme à la nouvelle directive Machines 2006/42/CE. C’est l’une des raisons pour lesquelles certaines normes, dont le titre a été publié au Journal officiel de l’UE comme concrétisant la nouvelle directive Machines, signalent à l’Annexe Z qu’elles ne couvrent pas un nombre notable d’exigences essentielles. L’application de ces normes ne déclenche donc la présomption de conformité que de manière très restreinte, de sorte que le fabricant doit pouvoir prouver en plus comment il répond à ces exigences de la directive.

Contrairement à ce que demande le CEN Guide 414, il est malheureusement extrêmement rare que ces lacunes soient également signalées aux utilisateurs de ces normes à la rubrique du domaine d’application. Il faut donc craindre que bon nombre d’entre eux n’en soient pas conscients. Or, les machines fabriquées uniquement en conformité avec ces normes pouvant présenter des déficits en matière de sécurité, il est urgent de remédier à cet état de fait.

Les conséquences

Les utilisateurs doivent pouvoir savoir, dans une transparence absolue, si une norme donnée couvre bien toutes les exigences essentielles de sécurité et de santé applicables. Il faudrait donc que les organismes de normalisation respectent impérativement les règles ci-dessus. Et partout où c’est possible, les comités de normalisation devraient veiller à ce que les normes harmonisées prennent en compte toutes les exigences de la directive qui ont une incidence sur le produit en question.

Les utilisateurs des normes ne doivent pas se fier uniquement au fait que les titres ont été publiés au Journal officiel, mais toujours vérifier aussi toutes les informations disponibles concernant l’intégralité des normes. Il conviendra en outre de procéder à une évaluation des risques, dans l’esprit des directives respectivement applicables, et ce pas seulement parce que c’est demandé, mais aussi pour éviter les mauvaises surprises.

Corado Mattiuzzo mattiuzzo@kan.de

1 Voir la KANBrief 1/2008 « Comment savoir si une norme déclenche la présomption de conformité ? »
2 Voir chapitre 4 dans le Guide bleu et la KANBrief 1/2005 « Objection formelle »
3 CEN : Résolution CEN/BT 2/2003 basé sur CEN BT N 6739; CENELEC : décision du BT de mars 2004 basé sur CLC(DG)1010 Rev
4 Comité 98/34/CE doc. 35/2004
5 CEN Guide 414: 2004 « Sécurité des machines – Règles pour l’élaboration et la présentation des normes de sécurité »