KANBrief 4/20

La normalisation européenne des masques « barrières » ne fait pas l’unanimité

Au plus tard depuis le confinement mondial au printemps 2020 dû à la pandémie du coronavirus, les masques « barrières » sont omniprésents. Ils font partie des mesures d’hygiène prises pour endiguer le virus. On trouve ces masques dans le commerce, mais ils peuvent aussi être fabriqués par leurs utilisateurs. Destinés uniquement à couvrir la bouche et le nez, on les appelle aussi masques « grand public », « alternatifs » ou « en tissu », soulignant ainsi la différence avec un masque « protecteur ».

La réglementation allemande en matière de SST relative au SARS-CoV-2 définit les masques barrières comme étant des « articles d’habillement textiles couvrant au moins le nez et la bouche et capables de réduire de manière significative la vitesse du flux respiratoire ou des projections de salive/de mucosités ou de gouttelettes. » Du fait de cette barrière devant le nez et la bouche, la respiration – et avec elle les gouttelettes et aérosols – se propagent moins fortement et moins vite dans l’espace ambiant. Le virus SARS-CoV-2 se fixant surtout sur ces gouttelettes et aérosols, sa propagation et le risque de contamination d’autrui se trouvent ainsi réduits. Les masques barrières servent donc surtout à protéger autrui.

Aucun effet protecteur revendiqué

Les masques barrières ne sont classifiés ni comme des dispositifs médicaux ni comme des EPI, car ils ne présentent ni ne promettent pas la protection correspondant à ces catégories. Contrairement aux masques barrières, les masques médicaux pour la protection de l’environnement du porteur (appelés aussi masques chirurgicaux)1 et les demi-masques filtrants contre les particules (masques FFP)2 destinés à protéger ceux qui les portent répondent à des spécifications légales et normatives qui définissent des exigences en matière d’effet protecteur. C’est ce que confirme un courrier adressé à l’organisme de normalisation CEN par le service compétent de la Direction générale Justice et consommateurs de la Commission européenne, dans lequel celle-ci explique que les masques barrières relèvent de la Directive européenne sur la sécurité générale des produits. Ce ne serait pas le cas si des règles de sécurité plus spécifiques étaient applicables à ces produits au sein de l’Union.

Quoi qu’il en soit, les masques barrières font partie des règles prescrites dans la réglementation allemande en matière de SST relative au SARS-CoV-2 visant à protéger la santé des employés durant la pandémie. L’une des raisons en est certainement le fait que, en particulier au début de la pandémie, on déplorait une pénurie de masques à effet protecteur. Les masques chirurgicaux et EPI disponibles ont été en priorité mis à la disposition du personnel soignant. Pour l’usage privé et sur le lieu de travail, le masque barrière a été provisoirement maintenu comme solution de fortune.

Un projet de normalisation du CEN

En juin 2020, le CEN a publié le Workshop Agreement CWA 175533 sur les masques barrières. Ce texte définit les exigences minimales pour les masques réutilisables ou à usage unique destinés au grand public, le but étant d’apporter ainsi une aide aux fabricants professionnels éventuels. Il contient les exigences minimales relatives aux caractéristiques des matières utilisées, à la taille, au lavage et au marquage, mais aussi à des paramètres tels que le pouvoir filtrant et la résistance respiratoire. Des méthodes d’essai sont indiquées pour certains de ces aspects. Se basant sur ce CWA, le comité technique CEN/TC 248 « Textiles et produits textiles » se propose maintenant de rédiger une spécification technique (CEN/TS).

La KAN voit d’un œil critique ce projet de normalisation. Comme expliqué ci-dessus, les masques barrières, en particulier ceux portés sur le lieu de travail, ont fait leur apparition à une époque où les masques de protection usuels n’étaient pas disponibles en quantité suffisante. Une norme renforcerait cette solution apparue par pure nécessité. Dans les milieux de la SST, on craint que les masques barrières continuent à être utilisés une fois la pandémie terminée ou quand les masques de protection usuels seront de nouveau disponibles en quantité suffisante. Le contenu du CWA laisse en outre penser que les critères de sécurité exigés pour les masques barrières se rapprocheront de ceux applicables aux masques chirurgicaux. Or, il s’agit d’une mesure inutile, les réglementations légales et normatives applicables aux masques médicaux fournissant déjà un système solidement établi et éprouvé.

Les travaux sur la spécification technique CEN/TS vont bientôt commencer. Même si, suite à la prise de position négative de la KAN, le DIN s’est abstenu lors du vote, des préventeurs allemands participeront à ce projet. On ne peut qu’espérer que ce projet de normalisation ne fera pas émerger un monde parallèle et que, en particulier, les solutions éprouvées de protection au travail ne se trouveront pas édulcorées.

Dr. Michael Thierbach
thierbach@kan.de

 

1 Directive européenne relative aux dispositifs médicaux 93/42/CEE EN 14683 « Masques à usage médical – Exigences et méthodes d’essai »
2 Règlement européen 2016/425 relatif aux EPI EN 149 « Appareils de protection respiratoire – Demi-masques filtrants contre les particules – Exigences, essais, marquage »
3 CWA 17553 « Community face coverings – Guide to minimum requirements, methods of testing and use »